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Le Code de justice pénale des mineurs arrive à l'Assemblée nationale

Pénal - Informations professionnelles, Droit pénal général, Droit pénal spécial
04/11/2019
Le projet de de loi ratification de l'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs a été déposé à l'Assemblée nationale le 30 octobre 2019. Retour sur ce que prévoient les 267 articles de ce code.
Lors des discussions sur le PJL Justice en novembre 2018, la garde des Sceaux avait annoncé le dépôt d’un amendement (TA AN n° 1503, 2018-2019, art. 52, amendement n°1644) autorisant le gouvernement à réformer la justice des mineurs par ordonnance. L’amendement adopté, l’habilitation figure dans le projet de loi définitivement adopté (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, JO 24 mars, art 93).
 
Attendus, le gouvernement a dévoilé les grands axes de la réforme en juin 2019 dans une interview donnée à La Croix. L’objectif de la réforme y apparaît clairement : « nous devons répondre à la délinquance des mineurs de manière plus adaptée et plus rapide ».
 
Rappelons que l’ordonnance de 1945 a été modifiée à trente-neuf reprises, comme le rappelle le rapport d’information présenté par M. Jean Terlier et Mme Cécile Untermaiert. Ainsi, « Cette réforme porterait tant sur l’organisation formelle, via la codification, que sur le fond des dispositions applicables aux mineurs et aux juridictions spécialisées qui les traitent » annonce le rapport.
 
Le premier projet a été dévoilé le 13 juin dernier. Il s’agissait d’un Code composé de 259 articles, partagé en sept livres (v. Ce qu’il faut retenir du projet du code de justice pénale des mineurs, Actualités du droit, 5 juill. 2019).
 
Après quelques modifications, le texte a été présenté en conseil des ministres le 11 septembre 2019. Deux jours plus tard, l’ordonnance n° 2019-950 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs (Ord. n° 2019-950, 11 sept. 2019, JO 13 sept.) a été publiée au Journal officiel (v. Le Code de la justice pénale des mineurs au Journal officiel, Actualités du droit, 13 sept. 2019).
 
C’est donc la création d’un Code, autonome, consacré à la justice pénale des mineurs.
 
Les objectifs du Code ont été annoncés dans le rapport au Président de la République, publié au Journal officiel le 13 septembre. La réforme devant :
  • simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants ;
  • accélérer le jugement des mineurs pour qu’il soit statué rapidement sur leur culpabilité ;
  • renforcer la prise en charge des mineurs par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de la peine ;
  • améliorer la prise en compte des victimes.
Le nouveau Code comporte 267 articles, soit 8 de plus que le premier projet dévoilé en juin 2019 (à noter que des articles ont fait leur apparition, d’autres ont été déplacés, supprimés ou fusionnés). Il conserve les mesures phares du premier projet dévoilé, même si, au total, c’est plus de 50 % des articles qui ont été modifiés, tant sur le fond que sur la forme. 
 
Les professionnels ne se sont pas fait attendre pour réagir et dès l’amendement adopté, ils avaient créé un collectif intersyndical avec une plateforme commune pour soumettre un socle de propositions partagées pour la réforme de l’ordonnance de 1945. Sur les 49 propositions formulés, peu ont été retenues.
 
Ce qu’il faut retenir du Code
Parmi les grandes nouveautés : une présomption d’irresponsabilité, « la mesure éducative judiciaire » et la « mise à l’épreuve éducative ».
 
La réforme de la justice pénale des mineurs simplifie notamment la procédure. L’instruction devant le juge des enfants et la procédure dite « officieuse » prévue à l’article 8 de l’ordonnance de 1945 sont supprimées. Le nouveau Code prévoit un mode de poursuite unique et la juridiction saisie statuera, par principe, en plusieurs temps :
  • un jugement sur la culpabilité ;
  • un jugement sur la sanction ;
  • avec une mesure éducative entre les deux.
Autre caractéristique du nouveau Code, des délais plus stricts :
- la convocation pour la première audience doit avoir lieu dans un délai compris entre dix jours et trois mois ;
- la deuxième audience, devra avoir lieu dans les six à neuf mois suivants.
 
Aujourd’hui, les procédures durent « en moyenne près de 18 mois, c’est beaucoup trop long », affirmait Nicole Belloubet dans son interview accordée à La Croix en juin dernier.
 
Pierre Farge, avocat en droit pénal, soulève néanmoins dans un article publié dans Contrepoints, que « Si cette volonté de réactivité théorique doit être saluée, l’on se demande néanmoins comment ces délais seront tenus en l’état de la surcharge de travail des magistrats, de l’engorgement des tribunaux et des moyens alloués à la protection judiciaire de la jeunesse ».
 
Les évolutions importantes du texte
Un article préliminaire a été ajouté par rapport à la première mouture. Il précise que « le présent Code régit les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale des mineurs est mise en œuvre, en prenant en compte l'atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge et la nécessité de rechercher leur relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ». Il rappelle les principes généraux applicables à la justice des mineurs en se fondant sur les exigences constitutionnelles, ainsi que la Convention relative aux droits de l’enfant, qui fête ses 30 ans cette année. 
 
Le Conseil national des barreaux, dans un communiqué publié le 31 octobre 2019, regrette de son côté qu’ « En dépit de la reprise des principes de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante dans un nouvel article préliminaire, la primauté de l’éducatif dans la réponse pénale à la délinquance des enfants ne trouve pas sa traduction dans le texte de Code de la justice pénale des mineurs dont le titre, lui-même, abandonne le terme d’«enfants», pourtant consacré par la convention internationale des droits de l’enfant ».
 
L’article L. 113-3 de l’ancienne version du projet a été supprimé ; il disposait qu’« à chaque entrée d’un mineur dans un établissement relevant du secteur public ou habilité de la protection judiciaire de la jeunesse, le directeur de l’établissement ou les membres du personnel de l’établissement spécialement désignés par lui, peuvent procéder au contrôle visuel de ses effets personnels, aux fins de prévenir l'introduction au sein de l'établissement d'objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens. Au sein de ces établissements, ces mêmes personnels peuvent, aux mêmes fins, procéder à l’inspection des chambres où séjournent ces mineurs. Cette inspection se fait en présence du mineur sauf impossibilité pour le mineur de se trouver dans l’établissement. Le déroulé de cette inspection doit être consigné dans un registre tenu par l’établissement à cet effet. Ces mesures s’effectuent dans le respect de la dignité des personnes et selon les principes de nécessité, de proportionnalité, de gradation et d’individualisation ». Cette suppression fait écho à l’avis du Conseil d’État, non publié à ce jour, qui contestait l’autorisation des fouilles par les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse. 
 
Entrée en vigueur dans moins d’un an
Le Code entrera en vigueur le 1er octobre 2020. L’article 10 de l’ordonnance prévoit donc que « les poursuites engagées avant cette date se poursuivent jusqu'à leur terme conformément aux dispositions du Code de procédure pénale et de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante dans leur version applicable avant cette date. Toutefois, les dispositions du Code de la justice pénale des mineurs relatives aux mesures de sûreté s'appliquent immédiatement lorsqu'elles sont plus favorables aux mineurs à l'encontre desquels ces poursuites sont engagées ».
 
De nombreux décrets seront aussi attendus, notamment pour encadrer le régime d’incarcération du mineur (Code de justice pénale des mineurs, art L. 124-1) ou encore la conservation du dossier unique de personnalité du mineur après sa majorité (Code de justice pénale des mineurs, art L. 322-8). Décrets qui inquiètent, comme le précisait Pierre Lecorcher, de la CGT PJJ, au cours de la conférence de presse du collectif intersyndical : « la garde des Sceaux a expliqué que toute une série de décrets suivrait et ils pourront être aussi inquiétants au regard de la teneur de ce projet de réforme ». 
 
Maintenant, place aux débats parlementaires comme promis par la garde des Sceaux lors de la discussion parlementaire sur le texte de loi programmation 2018-2022 et réforme de la justice. Le projet de loi de ratification a ainsi été déposé le 31 octobre 2019 sur le bureau de l’Assemblée nationale.
 
Des débats très attendus par les professionnels, notamment le Conseil national des barreaux qui a rappelé dans un communiqué du 31 octobre 2019, que « l'institution s'oppose à la méthode, qui n’a pas laissé place à une véritable concertation des acteurs concernés par la protection de l’enfance et attend un vrai débat parlementaire sur la question ». Les échanges resteront néanmoins limités dans le temps en raison de la procédure accélérée engagée sur ce texte et surtout de la date d’entrée en vigueur du Code prévue pour le 1er octobre 2020.
 
Source : Actualités du droit