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Exécution de son obligation par le preneur : conditions d’octroi rétroactif de délais

Affaires - Commercial
Civil - Immobilier
11/06/2021
Le preneur à bail commercial peut solliciter des délais de grâce et la suspension des effets de la clause résolutoire prévue dans le contrat tant que la résiliation du bail n’est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée. Ainsi, dès lors que sa demande n’est pas prescrite, il peut être octroyé rétroactivement au preneur un délai pour justifier de l’exécution de son obligation d’assurance des lieux loués.
En application de l’article L. 145-41 du code de commerce, la clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet que un mois après un commandement resté infructueux. Les juges peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.
 
Obligation contractuelle d’’assurance
 
Dans la présente espèce, une SARL X… avait, par acte du 25 janvier 2013, donné à bail commercial à une SAS Y… des locaux à usage de maison de retraite pour personnes âgées dépendantes ; aux termes du bail, le locataire s'engageait à s'assurer contre les risques locatifs dont il devait répondre en sa qualité de preneur et à justifier, à la première demande du bailleur, de la souscription des polices et du paiement des primes y afférentes. Le 11 mars 2013, le bailleur avait délivré au preneur un commandement de justifier dans le délai de un mois que les lieux étaient assurés, visant la clause résolutoire prévue dans le bail, puis avait assigné celui-ci en référé en constatation de l’acquisition de cette clause ; l’arrêt constatant l’acquisition de la clause résolutoire avait été annulé par la Cour de cassation (cf. Cass. 3e civ., 2 mars 2017, n° 15-29.022, Lamyline).
 
Le 18 novembre 2015, le preneur avait assigné au fond le bailleur en annulation du commandement et avait sollicité l’octroi rétroactif de délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire. Le bailleur avait alors fait valoir que cette demande de délais était prescrite car elle aurait dû être présentée dans un délai de deux ans à compter du commandement, conformément aux dispositions de l’article L. 145-60 du code de commerce.
 
La cour d’appel, statuant sur renvoi après cassation (cf. Cass. 3e civ., 25 oct. 2018, n° 17-17.384, Lamyline), a jugé que la demande de délais n’était pas prescrite et qu’il y avait lieu d’accorder rétroactivement au preneur un délai supplémentaire de un mois pour justifier de son assurance et corrélativement de suspendre les effets de la clause résolutoire : le preneur a justifié dans les délais ainsi accordés de son obligation contractuelle et la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué (CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 16 janv. 2020, n° 18/18026, Lamyline).
 
Application des règles de prescription
 
Invoquant la prescription biennale, le bailleur s’est pourvu en cassation. Mais la Haute juridiction rejette le pourvoi.
 
La cour d’appel a retenu à bon droit que "le locataire d’un bail commercial peut demander, sur le fondement de l’article L. 145-41 du code de commerce, des délais de grâce et la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée".
 
La cour en a exactement déduit que la demande d’octroi rétroactif de délais, afin de justifier de l’exécution de son obligation d’assurance des lieux loués, et de suspension des effets de la clause résolutoire formée par le preneur n’était pas prescrite.
 
Pour aller plus loin 
Pour des compléments sur les obligations du locataire, se reporter aux nos 1082 et s. de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.

 
Source : Actualités du droit