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Offre de vente au preneur du local commercial loué : une question de délai !

Affaires - Commercial
Civil - Immobilier
10/12/2021
En cas d’acceptation par le preneur d’un local commercial de la notification valant offre de vente, la non-réalisation de la vente dans le délai prévu par le code de commerce, lorsqu’elle lui est imputable (absence de diligences), rend l’acceptation de l’offre de vente sans effet. Ainsi, l’assignation en réalisation de la vente délivrée par le preneur le dernier jour du délai imparti ne permet pas de pallier l’absence de signature de l’acte à l’expiration dudit délai.
En application de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, le propriétaire d'un local à usage commercial qui envisage de vendre ce local doit en informer son locataire et lui notifier le prix et les conditions de la vente envisagée : cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose alors d'un délai de un mois pour se prononcer et, en cas d'acceptation, bénéficie d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente, délai porté à quatre mois s'il notifie son intention de recourir à un prêt. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'est pas réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.

Délai de quatre mois pour la réalisation de la vente
 
En l’espèce, Mme X…, propriétaire d'un local donné à bail commercial à Mme Y… suivant actes du 7 décembre  1970 et du 1er décembre 1988, avait consenti à M. Z…, le 27 février 2018, une promesse de vente portant sur ce local moyennant le prix de 230 000 euros ; le lendemain, le notaire avait notifié à Mme Y… une offre de vente aux clauses et conditions acceptées par l’acquéreur, lui rappelant qu'elle bénéficiait d'un délai de un mois pour lui faire connaître son intention d'acquérir ou de ne pas acquérir le local. Le 27 mars suivant, la locataire avait notifié à la bailleresse son acceptation de l’offre de vente et son intention de recourir à un prêt ; dès lors s'ouvrait un délai de quatre mois pour la réalisation de la vente, l'acte devant être reçu au plus tard le 27 juillet 2018. L'acte authentique n'avait pas été établi.
 
Le 27 juillet 2018, Mme Y… et son époux commun en biens avaient fait assigner à jour fixe Mme X…, ainsi que le notaire, en réalisation de la vente à leur profit. L’acquéreur Z… était intervenu volontairement à l’instance pour voir dire qu’il était le bénéficiaire du compromis de vente signé le 27 février 2018 sous la condition de purge du droit du locataire et que la vente n'avait pas été régularisée au profit du preneur dans le délai de l’article L. 145-46-1 du code de commerce. Par jugement du 12 novembre 2018, le tribunal avait dit la vente du local commercial parfaite à la date du 26 juillet 2018 entre les époux X… et la bailleresse.
 
L’acquéreur ayant contesté cette décision, les juges du fond ont infirmé le jugement : à la lecture des différents échanges entre notaires, ils ont constaté que le retard dans la réalisation de la vente résultait de l'absence de diligences des époux Y… jusqu'au 19 juillet, soit huit jours avant l'expiration du délai, – ce n'est qu'à cette date qu'ils avaient mandaté le notaire qui devait recevoir l'acte –. Ainsi, à défaut de réalisation authentique de la vente du local commercial appartenant à Mme X… au profit de la locataire dans le délai de quatre mois de l’article L. 145-46-1 du code de commerce qui expirait le 27 juillet 2018, l'acceptation de l'offre de vente par la locataire est sans effet ; la vente est parfaite au profit de M. Z… (CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 3 mars 2020, n° 18/18662, Lamyline).
 
Absence de diligences imputable au preneur
 
Soutenant qu’elle a mis en œuvre toutes les conditions qui lui incombent en sa qualité d'acquéreur du local qu'elle occupe pour que la vente puisse se réaliser dans le délai légal et qu’elle ne saurait supporter les conséquences d'une non-réalisation, la locataire a contesté l’arrêt devant la Cour de cassation.
  
Énonçant que, "en cas d’acceptation par le locataire d’un local commercial de la notification valant offre de vente, la non-réalisation de la vente dans le délai prévu par l’article L. 145-46-1 du code de commerce, lorsqu’elle est imputable au locataire, rend sans effet l’acceptation de l’offre de vente", la Cour de cassation rejette le pourvoi.
 
La cour d’appel a exactement énoncé que l’acte de vente devait être reçu le 27 juillet 2018 au plus tard et a souverainement estimé que le défaut de réalisation de la vente dans le délai de quatre mois était imputable à la seule absence de diligences de la locataire ; la cour a donc retenu à juste titre que la locataire ne pouvait obtenir une dérogation ou une prorogation de ce délai, et que son assignation en réalisation de la vente délivrée le 27 juillet 2018 ne permettait pas de pallier l'absence de signature de l’acte de vente à l’expiration du délai.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements complémentaires sur les obligations résultant du droit de préférence du preneur à bail commercial, se reporter aux nos 1080 et s. de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit