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Nouveaux offices notariaux : des jeunes notaires déboutés en référé

Civil - Personnes et famille/patrimoine
18/01/2017
Dans le contentieux avec la Place Vendôme sur l'interprétation téléologique de la loi Macron, des jeunes notaires viennent de perdre une manche décisive. L'objectif premier de cette loi était-il de favoriser l'installation des jeunes diplômés ou bien d'améliorer l'offre de services notariaux dans les zones jugées les moins bien dotées ? Le Conseil d'État vient de livrer son analyse.
Lors des auditions menées par la Mission d'information commune sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, créée à l'initiative de plusieurs commissions le 7 octobre 2015, Cécile Untermaier avait souligné la nécessité de « mettre au point un mécanisme permettant aux jeunes qui satisfont aux obligations de diplôme et de stage de présenter leur candidature à un poste ouvert dans le cadre d’une carte que la garde des Sceaux aurait validée ». Mais, pour autant, l'objectif était-il de leur réserver ces nouveaux offices ?

Cœur du litige
Au centre du litige, le pourcentage des dossiers déposés par des sociétés civiles professionnelles (SCP) : 75 % des quelque 30 000 demandes émaneraient, en effet, d’offices déjà existants. Ce qui laisserait peu de place aux mille jeunes qui sortent diplômés notaire chaque année. Une hypothèse a priori non anticipée.
Rappelons que l’Autorité de la concurrence avait identifié trois objectifs (Autorité de la concurrence, avis n° 16-A-13, 8 juin 2016) :
1° Améliorer  le maillage territorial, afin de rapprocher les notaires de la population et des entreprises dans les zones actuellement mal desservies ;
2° Ouvrir la profession, en donnant aux jeunes l'opportunité de s'installer et de proposer de nouveaux services ;
3° Préserver la viabilité économique des offices existants, notamment dans les zones rurales.
Avaient ainsi été déterminées 247 zones où il serait utile de créer des offices de notaires, conduisant ainsi à un maillage territorial renforcé, l’Autorité de la concurrence ayant recommandé l'installation libérale de 1 650 nouveaux notaires d'ici à 2018.
 
Rappel du contentieux
Un certain nombre de procédures ont été engagées par de jeunes notaires qui contestent la légalité à la fois du décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 (JO 10 nov.) et de l’arrêté du 14 novembre 2016 (JO 15 nov.). Le Conseil d’État a rendu, à un mois d’écart, deux ordonnances s’agissant des référés suspension. Restent les deux recours pour excès de pouvoir, pour lesquels le Conseil d’État pourrait se prononcer d’ici environ huit mois.
  • Référé suspension contre l’arrêté du 14 novembre 2016 : CE, ord. n° 405269, 14 déc. 2016 : suspension de l’exécution de l’arrêté jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la demande d’annulation de cet arrêté du 14 novembre 2016 
  • Référé suspension contre le décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de notaire ; CE, ord. n°s 406018 et 406072, 17 janv. 2017 : pas de suspension de l’exécution du décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016
  • Recours pour excès de pouvoir contre le décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l’exercice de la profession de notaire
  • Recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté du 14 novembre 2016 fixant les modalités des tirages au sort.
Deux principales questions
Jusqu'alors, cette problématique ne s'était jamais posée. Mais l'application de la loi Macron a conduit certains jeunes notaires à se demander si une société civile professionnelle (SCP) pouvait être titulaire de plusieurs offices. Le Conseil d’État vient de répondre positivement dans son ordonnance du 17 janvier dernier : « aucune des dispositions législatives invoquées ne consacre le principe selon lequel une personne morale ne pourrait être titulaire que d’un seul office ; que le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire ne serait pas compétent pour fixer une règle différente n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ».
Autre interrogation : une SCP peut-elle être candidate à une nomination dans un office créé en application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ? Les requérants soutenaient, notamment, que « la plupart des textes pris pour l’application de la loi du 6 août 2015, notamment la décision de créer 1002 offices, sont intervenus alors que n’était pas encore prévue la possibilité que des sociétés civiles professionnelles puissent être candidates à des nominations dans de nouveaux offices créés ». Mais le Conseil d’État rappelle, dans cette même ordonnance, l’objectif de la loi Macron, qui est bien une meilleure adaptation de l’offre de services notariaux aux besoins et en déduit que « n’est pas non plus de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions critiquées, en l’état de l’instruction, et au vu des éléments échangés au cours du débat contradictoire, le moyen selon lequel la candidature de sociétés civiles professionnelles déjà titulaires d’un office serait, par elle-même, incompatible avec la mise en œuvre de la réforme ».
Précisons cependant que, en raison de la règle selon laquelle un demandeur ne peut pas présenter plus d’une demande par zone, la nomination dans une zone entraînera la caducité de ses autres demandes, qu’il soit ou non titulaire d’un office.
 
La suite...
Le garde des Sceaux a précisé lors des questions parlementaires à l’Assemblée nationale, le 11 janvier 2017, que les 1 650 nouveaux professionnels seraient bien nommés d’ici à 2018. Après la suspension de l'arrêté prononcée le 14 décembre dernier, la reprise du tirage au sort pourrait avoir lieu dès la publication dun nouvel arrêté. Ce texte qui « va indiquer de manière extrêmement détaillée les modalités du tirage au sort. Il va préciser très nettement les rôles respectifs de chacune des personnes présentes à chaque stade de la procédure », a déclaré le ministre de la Justice.
De source ministérielle, l'arrêté va être pris « dans les tout prochains jours » et sa publication au Journal officiel devrait intervenir d'ici une semaine. L’ordre des futurs 247 tirages au sort, qui devraient prendre plusieurs mois, sera alors indiqué sur le portail du ministère dédié aux officiers publics ou ministériel.
Source : Actualités du droit