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Affirmation du caractère absolu du secret des délibérations

Pénal - Procédure pénale
25/05/2016
Un prévenu ne peut utilement demander de supplément d'information aux fins d'audition de l'ensemble des personnes ayant participé avec lui au délibéré, pour justifier ses révélations, accusatrices, à la presse sur le déroulement de cette phase de la procédure.
Un quotidien national a publié, sous l’intitulé “la présidente essayait d’orienter notre vote”, le compte-rendu d’un entretien avec un journaliste dans lequel M. X, membre du jury d’une cour d’assises statuant en appel, faisait des révélations sur le déroulement du délibéré et mettait en cause le comportement de la présidente. En particulier, il accusait celle-ci d’avoir dissuadé les jurés de voter “blanc”, d’avoir organisé un premier tour de scrutin à main-levée au cours duquel plusieurs jurés avaient exprimé leur indécision, d’avoir qualifié ce scrutin de “moment d’égarement” et d’avoir, ensuite, dans la perspective du vote à bulletin secret, incité les jurés indécis à se prononcer en faveur de la culpabilité de l’accusé. Il ajoutait qu’au moment de la fixation de la peine, après que l’accusé eut été déclaré coupable, les magistrats professionnels avaient insisté pour que soit prononcée une peine ferme qui ne soit pas inférieure à celle prononcée par la cour d’assises statuant en premier ressort.

M. X est poursuivi sur le fondement de l’article 226-13 du Code pénal, pour violation du secret du délibéré. Le tribunal correctionnel entre en voie de condamnation. Le prévenu et le procureur de la République interjettent appel. La cour d'appel confirme la décision de condamnation et rejette la demande visant à entendre l'ensemble des personnes ayant participé au délibéré, ces auditions devant permettre de vérifier l’exactitude des révélations de M. X. Les juges du fond considèrent en effet que le complément d’information sollicité par la défense pour établir le bien fondé des anomalies du délibéré, justifiant les révélations du juré à la presse, ne peut être ordonné au regard du caractère illégal de la preuve recherchée, car une telle mesure d’instruction conduirait les magistrats et les jurés à rompre leur serment. M. X forme un pourvoi en cassation.

La question posée à la Chambre criminelle portait donc sur la force du principe du secret du délibéré et, plus largement, sur la possibilité de faire utilement jouer, ici comme ailleurs, une sorte de "fait justificatif des droits de la défense".
La Cour de cassation y répond par la négative, faisant prévaloir le secret sur toute autre considération. Elle considère en effet que la cour d'appel a justifié sa décision, "une dérogation à l’obligation de conserver le secret des délibérations, édictée par l’article 304 du Code de procédure pénale, ne saurait être admise, même à l’occasion de poursuites pour violation du secret du délibéré, sans qu’il soit porté atteinte tant à l’indépendance des juges, professionnels comme non-professionnels, qu’à l’autorité de leurs décisions".
En outre, elle précise "qu’en faisant état, à propos des explications fournies par le prévenu, de sa “naïveté”, et en exprimant des réserves sur la stratégie de défense de ses avocats, la cour d’appel n’a pas employé de termes, ni formulé de commentaires incompatibles avec le devoir d’impartialité".
Source : Actualités du droit