Retour aux articles

Société utilisatrice n’est pas employeur !

Civil - Responsabilité
21/03/2018
La Haute juridiction adopte une solution stricte à l’égard de la société utilisatrice, en refusant de lui octroyer des recours en contestation de la caractérisation d’accident du travail ou du taux d’incapacité permanente. Bien que cette dernière soit tenue à la prise en charge d’une quote-part de l’indemnisation, elle n’a pas la qualité d’employeur.
La société utilisatrice n’est pas fondée à contester le taux d’incapacité permanente. – La Haute juridiction se livre à une lecture exégétique de l’article L. 1251-1 du Code du travail et de la notion d’employeur. L’employeur du salarié mis à disposition est la société de travail temporaire, aussi la société utilisatrice n’a pas la possibilité de contester le taux d’incapacité, en dépit de sa prise en charge d’une partie de l’indemnisation. L’attendu de principe est on ne peut plus explicite : « en application de (l’article L. 1251-1 du Code du travail), le seul employeur d’un salarié lié par un contrat de mission à une entreprise de travail temporaire et mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice est l’entreprise de travail temporaire ; qu’il en résulte que, si elle peut agir en responsabilité contractuelle contre l’entreprise de travail temporaire devant la juridiction de droit commun, ou contester devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale l’imputation pour partie du coût de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle prévue par l’article L. 241-5-1 du Code de la sécurité sociale, l’entreprise utilisatrice, qui n’est pas l’employeur juridique du salarié mis à sa disposition, n’a pas la qualité pour contester devant les juridictions du contentieux de l’incapacité permanente du salarié, victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle à l’occasion d’une mission ».
Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n° 16-19.043, P+B+I

La société utilisatrice n’a pas qualité à agir en contestation de la qualification d’accident du travail. – Les articles L. 241-5-1 et R. 242-6-1 du Code de la sécurité sociale n’octroient à l’entreprise utilisatrice qu’une faculté de contestation de la répartition de prise en charge avec la société de travail temporaire. N’ayant pas la qualité d’employeur, elle n’a pas non plus qualité à agir en contestation de la caractérisation d’accident du travail, recours réservé à la société de travail temporaire : « qu’ayant relevé d’une part, que la société utilisatrice n’est pas l’employeur du salarié victime, d’autre part, que lui est offerte la possibilité de contester devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale la répartition de la charge financière de l’accident du travail entre elle-même et l’entreprise de travail temporaire, la cour d’appel en a déduit à bon droit, sans violer les dispositions des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et  des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention, que seule l’entreprise de travail temporaire, employeur juridique du salarié mis à disposition, avait qualité pour contester l’opposabilité de la prise en charge d’un accident du travail au titre de la législation professionnelle à raison tant du caractère non-contradictoire de la procédure d’instruction, que de l’absence de caractère professionnel de l’accident, de sorte que l’entreprise utilisatrice n’avait pas qualité à agir ».
Cass. 2e civ., 15 mars 2018, nos 16-28.333 et 17-10.640, P+B+I

Matériellement, ces décisions sont critiquables eu égard à la place privilégiée de la société utilisatrice lors de la réalisation de l’accident et donc des moyens de contestation.
Également, le même jour, la Haute juridiction a rappelé que le taux d’incapacité permanente à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est apprécié à la date de consolidation (Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n° 17-15.400, P+B) mais également que dans l’hypothèse d’une faute inexcusable de l’employeur à l’origine de l’accident du travail ayant causé un dommage corporel, la CPAM est tenue d’indemniser entièrement le salarié et de se subroger ensuite dans ses droits pour obtenir remboursement (Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n° 17-10.877, P+B).
 

Source : Actualités du droit