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Assignation à jour fixe au domicile élu et avocat non mandaté en appel : pas de nullité sans grief

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
29/03/2018
La Cour de cassation confirme et applique le régime des nullités pour vice de forme à l’erreur sur la domiciliation d’une personne morale dans l’assignation. La signification à domicile élu, sans que l’avocat ait été habilité à représenter la société, est certes bien de nature à entraîner à affecter la validité formelle de l’acte, mais encore faut-il qu’un préjudice en découlant soit constaté.
Dans le cadre d’un contentieux l’opposant à la société Crédit Logement, Mme P. interjette appel d’un jugement d’orientation du juge de l’exécution. Conformément aux dispositions de l’article R. 322-19 du Code des procédures civiles d’exécution (voir not. Cass. 2e civ., 7 déc. 2017, n° 16-19.336, P+B+I), la requérante assigne la société à jour fixe, par acte d’huissier du 24 février 2016. L’acte de signification mentionne que la notification est faite à la société pour laquelle domicile est élu au cabinet de l’avocat mandaté en première instance. Ce dernier refuse l’acte.

Par un arrêt rendu le 19 septembre 2016, la cour d’appel de Basse-Terre constate qu’il ne résulte ni des pièces versées aux débats, ni du jugement contesté que la société intimée, dont le siège social était identifié dans tous les actes de la procédure (y compris le jugement), ait habilité son à avocat à la représenter et à recevoir les actes de procédure dans l’instance d’appel. Or, faute d’un tel mandat, seules les dispositions de l’article 690 du Code de procédure civile ont vocation à être appliquées, ce dont il résulte que la signification devait être faite au lieu de son établissement et sinon en la personne de l’un de ses membres. Les juges du fond se fondent donc sur l’erreur sur l’adresse de la domiciliation pour constater la nullité de l’assignation et, consécutivement, prononcer la caducité de la déclaration d’appel et déclarer l’appel irrecevable.

La requérante forme un pourvoi en cassation, au soutien duquel elle invoque notamment le fait que s’agissant d’un vice de forme, il était nécessaire de démontrer que l’inobservation de la formalité en cause devait avoir causé un préjudice à l’intimée. En considérant qu’une simple erreur sur le lieu de délivrance de l’assignation rendait l’appel irrecevable, la cour d’appel aurait porté une atteinte disproportionnée au droit d’agir du requérant, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il revenait donc à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation de déterminer si l’assignation au domicile élu d’un avocat non mandaté en appel et non à l’établissement la personne morale intimée (ou à l’un de ses représentants) était ou non susceptible d’affecter la validité de l’acte introductif d’instance d’appel.

La Cour de cassation confirme d’abord que l’assignation n’a pas été délivrée dans le respect du formalisme imposé par le Code de procédure civile, dont l’article 690 impose que la notification destinée à une personne morale de droit privé soit faite au lieu de son établissement et que ceci est constitutif d’un vice de forme. Or, comme le rappelle la Cour, en application de l'article 114 du Code de procédure civile, « la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée pour vice de forme qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public » (voir not. Cass. 2e civ., 20 oct. 2011, n° 10-24.109, Bull. civ. II, n° 194). Il est donc toujours nécessaire, s'agissant des vices de formes, de constater que l'inobservation de la formalité en cause a fait grief à la partie qui soulève l'exception. Et, ce, qu'il s'agisse d'une nullité textuelle (expressément prévue par un texte) ou substantielle (non prévue par une disposition spécifique).
La cassation semblait donc inévitable, faute, pour les juges du fond, d’avoir procédé à un tel constat, privant ainsi leur décision de base légale. On observera à cet égard qu’en l’espèce, comme le soulignait la demanderesse au pourvoi, la société intimée a bien été informée de la procédure d’appel, qu’elle a constitué avocat et était présente à l’audience. Ayant ainsi bien été en mesure de défendre à cet appel, il est peu vraisemblable qu’un grief puisse être démontré au cours de l’instance de renvoi.
Source : Actualités du droit