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Retrait d’une SCP d’avocats : le système de rémunération adopté par les associés devait s’appliquer !

Civil - Contrat
10/01/2020
Les modalités financières du retrait d'un associé doivent se régler conformément à la convention des parties, aussi bien pour la détermination de la quote-part dans les bénéfices et la contribution aux charges post-départ que pour l'évaluation des parts sociales par un expert judiciaire.
Un associé de société civile professionnelle (SCP) qui se retire peut prétendre, dans certaines conditions, au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, au versement d’une quote-part des bénéfices distribués et doit participer aux frais fixes de la SCP pendant un certain délai. Ces conséquences financières sont l’objet de très nombreux contentieux, alors même que les parties en ont convenu les termes, comme dans l’affaire jugée par la Cour de cassation le 8 janvier 2020.

Un avocat exerce son activité au sein d’une société civile professionnelle (SCP) en qualité d’associé en industrie pendant les dix-huit premiers mois puis en qualité d’associé en capital et en industrie. À la suite de dissensions, l’avocat et ses coassociés signent un accord fixant certaines conditions de son retrait. S’en suit un litige sur les conditions financières du retrait. Ils saisissent le bâtonnier d’une demande d’arbitrage. Des recours sont exercés contre la sentence du délégué du bâtonnier.

La demande du retrayant qui portait sur la rétribution de ses apports en capital et de sa quote-part dans les bénéfices à distribuer jusqu’au remboursement de l’intégralité de ses droits sociaux, est rejetée par la cour d’appel. Et celui-ci est condamné à payer à la SCP la somme de 280 000 euros au titre des frais fixes.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l'avocat.

Quote-part dans les bénéfices distribués et contribution aux charges après le départ. – La Haute juridiction rappelle que : « en application des articles 1869 du Code civil et 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, l’associé retrayant conserve ses droits patrimoniaux tant qu’il n’a pas obtenu le remboursement intégral de ses parts sociales. Toutefois, les associés ont la liberté de conclure des conventions dérogeant à cette règle pour déterminer leurs relations financières lors du retrait de l’un d’entre eux. » Les associés avaient adopté en assemblée générale le système de rémunération dit système ABCJMM. Selon ce système, la répartition des bénéfices est fondée sur l’industrie de l’associé, et non sur sa participation au capital social, de sorte que les parts sociales ne confèrent aux associés qu’une vocation à percevoir des bénéfices dont le montant est fixé sur la base de leur contribution effective à l’activité de la société. En vertu de l’article 4 de ce système, relatif au départ d’un associé, « qui n’instaure pas un régime spécifique pour l’associé retrayant, celui-ci a droit au remboursement de son compte courant, à sa part des créances au titre des travaux effectués et à sa quote-part de bénéfices déterminée en fonction de ses apports en industrie. La cour d’appel en a déduit, à bon droit, que M. X… ne pouvait prétendre, après son départ de la SCP, à la perception de bénéfices, les apports en capital ne donnant lieu, en application du système contractuellement défini, à aucune rétribution ».

L’arrêt relève ensuite que la stipulation prévoyant l’obligation pour l’associé retrayant de contribuer aux frais fixes exposés par le cabinet, pendant l’année suivant la date de son départ, est justifiée par l’absence de clause de non-concurrence pesant sur le retrayant. Il ajoute que le montant de la participation aux frais fixes est assis sur l’importance de l’activité exercée par le retrayant jusqu’au jour de son départ. Il constate, enfin, que celui-ci n’est pas tenu au paiement de l’intégralité des frais fixes à la charge de la SCP, les frais liés à la rémunération des collaborateurs et secrétaires étant exclus.
La cour d’appel a pu déduire que « la clause litigieuse n’empêchait pas l’associé d’exercer son droit de retrait et était proportionnée aux intérêts légitimes de la société ».

Détermination de la valeur des parts sociales. – L’arrêt avait ordonné une expertise afin de déterminer la valeur des parts sociales, l’expert devant déterminer cette valeur au regard de l’article 4 du système ABCJMM excluant la valeur de la clientèle. L’associé retrayant contestait la référence à cet article 4. Selon la Haute juridiction, aux termes de l’article 1843-4 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, l’expert désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société et par toute convention liant les parties. La cour d’appel qui a, à bon droit, fait application de ces dispositions, en vigueur à la date de la désignation de l’expert, n’a pas excédé ses pouvoirs en donnant mission à celui-ci de déterminer la valeur des parts sociales détenues par M. X..., notamment par référence au système convenu entre les parties.

La Cour de cassation vient rappeler dans cette affaire l’équilibre nécessaire entre le droit de l’associé de SCP de se retirer à tout moment, règle d’ordre public (L. n° 66-879, 29 nov. 1966, art. 18), et les intérêts légitimes de la société (Cass. 1re civ., 16 avr. 2015, n° 13-24.931, Bull. civ. I, n° 94). La volonté des parties exprimée dans la décision d’assemblée générale des associés concernant l’application du système ABCJMM devait être respectée de tous.
Source : Actualités du droit